Molly
venait tout juste de se réveiller,
Il n'y avait pas deux mois qu'elle était née,
En compagnie de ses frères et soeurs,
Blottis ensemble pour garder la chaleur.
Elle commençait à avoir de la fourrure,
Du rouge au noir, ça prenait tournure,
Il faut savoir que quand les taupes naissent,
Elles n'ont pas un brin de poil sur les fesses.
Elle partit en chasse, cherchant quelques vers,
Creusant avec ses pattes sous la terre,
Car la taupe ne se nourrit pas de racines,
Croyance des jardiniers l'accusant de crime.
Elle préfère les chenilles et les mille-pattes,
A tous les plus beaux champs de patates,
D'ailleurs elle venait de trouver son bonheur,
Et dégustait une chenille avec ardeur.
Elle n'y voyait pourtant pas grand chose,
Pas plus loin que le bout de son nez rose,
Mais son odorat était très
développé,
Et cela lui suffisait pour trouver à manger
Aujourd'hui sa maman lui avait dit,
Qu'elle allait devoir quitter le nid,
Elle et ses frères étaient devenus grands,
Et devenaient trop encombrants.
Chacun devant faire sa propre vie,
Et creuser ses propres galeries,
Elle était un peu effrayée c'est sûr,
De partir seule à l'aventure.
Elle fit ses adieux à sa famille,
Et sortit à l'air libre sous les brindilles,
Le soleil l'éblouit, et c'était bizarre,
Elle décida d'aller au hasard.
Elle ne vit pas arriver droit vers elle,
Un humain avec une grande pelle,
Mais brusquement elle creusa un trou,
Et disparut à la vitesse d'un fou.
Elle avait senti des vibrations,
Et s'enterra par précaution,
Elle l'avait échappé belle,
Evitant de peu une mort cruelle.
Alors elle décida de s'installer ici,
Creusant un labyrinthe bien précis,
Elle se retrouva nez à nez,
Avec un mulot tout étonné.
Ils échangèrent quelques mots,
Il déménageait car ça craignait trop,
Entre les chats qui rodaient,
Et les humains qui capturaient.
Des dizaines de ses congénères,
Avaient disparu, quelle galère,
C'est pourquoi le coin était désert,
Et qu'il n'y avait plus aucune taupinière.
Il lui conseilla de déguerpir,
Si elle voulait s'en sortir,
Mais Molly était têtue,
Et n'écouta pas l'intrus.
Elle se fit un joli petit nid,
Dans un coin d'une galerie,
Elle aviserait tout ça plus tard,
S'il n'avait pas raconté de bobards.
Elle fut réveillée par un bruit sourd,
Son sommeil avait été bien court,
Elle vit soudain la lumière du jour,
Sa galerie s'écroulait tout autour.
Elle n'eut pas le temps de réagir,
Qu'elle sentit une main la saisir,
Trop tard, elle était piégée,
Le mulot elle aurait du l'écouter.
Elle se débattait avec fureur,
Se disant que c'était l'horreur,
Puis elle se calma, désespérée,
Car de toute façon, on allait la tuer.
Pour l'instant, rien ne se passait,
Quand elle sentit qu'on la caressait,
Une voix douce murmurait,
Et chantonnait un air gai.
On la transporta dans une maison,
Elle se recroquevilla comme le hérisson,
Puis on la déposa sur une sorte de table,
Mais de bouger elle en était pas incapable.
On lui attacha un objet sur le dos,
Elle n'avait vraiment pas de pot,
Allait-on la torturer quand même ?
Elle se sentit devenir blême.
Elle sentit quelque chose la piquer,
Et sombra dans l'inconscient sans ciller,
Une drôle de sensation la fit s'agiter.
Et elle émergea de son sommeil forcé,
Elle ouvrit les yeux tout doucement,
Se demandant où elle était vraiment,
Mais une chose étrange était arrivée,
Elle avait quelque chose sur le nez.
Elle avait des choses une nouvelle vision,
Elle voyait tous les objets avec précision !
Tout était clair et net, de près comme de loin,
Et elle réalisa qu'on l'avait mise dans un coin.
Une femme s'approcha d'elle,
Et dit "et bien voilà, ma toute belle,
Te voilà équipée d'un nouveau sens,
J'espère que ça te portera chance".
Puis on la redéposa dans le jardin,
Elle retrouva sans peine son chemin,
C'était une sensation toute nouvelle,
Tout était à une autre échelle.
Et elle commença une nouvelle vie,
Elle se fit plein de nouveaux amis,
Au début ils étaient très
étonnés,
Mais très vite, ils se mirent à l'envier.
Grâce à une paire de lunettes,
Sa réputation était toute faite,
Tout le monde venait la consulter,
Et elle su se faire apprécier.
On l'embaucha comme sentinelle,
Elle se faisait payer en coccinelles,
Plus besoin de chercher à manger,
La nourriture arrivait de tous les côtés.
Les humains étaient tout de même
étranges,
De démons, ils pouvaient devenir des anges,
Elle était heureuse d'avoir été
choisie,
Pour corriger sa vilaine myopie.
Elle vécut très très longtemps,
Et eut de nombreux enfants,
Est-ce que ses gènes avaient changé,
Car de sa vision, ils avaient hérité !
Alors bien des années plus tard,
Grâce à Molly et le hasard,
Les taupes eurent une autre réputation,
Et ce fut une nouvelle génération.
Le vieux proverbe tomba dans l'oubli,
Puis il disparu petit à petit,
Plus personne ne dit plus à voix haute,
"Etre myope comme une taupe".
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